Le rapport, intitulé Les effectifs de l’administration territoriale de l’État, permet de faire le point sur « dix années de réduction ininterrompues des effectifs » dans les services de l’État territorial (préfectures et sous-préfectures notamment). Depuis la RéATE (Réforme de l’administration centrale de l’État) lancée en 2010, ce sont pas moins de 11 000 postes qui ont été supprimés, soit 14 % des effectifs.
Critiques sur la méthode
Les suppressions de poste dans les préfectures, juge la Cour des comptes, « n’ont pas été réalistes ». C’est-à-dire qu’elles ont conduit à des situations où la seule manière de pouvoir continuer d’effectuer les tâches essentielles est de recruter des contractuels (vacataires) en contrats courts, « qui précarisent leurs titulaires et désorganisent les services ».
La Cour des comptes se montre sévère tant sur les résultats que sur la méthode : « Les suppressions de poste en préfecture auraient justifié une réflexion sur la répartition de l’effort en fonction de la réalité des besoins de chaque région. C’est le contraire qui s’est produit puisque la répartition des coupes n’a visé qu’à préserver des équilibres historiques sans rapport avec l’évolution de la population ou de l’activité. »
Administration territoriale de l’État
Le rapport ne traite pas seulement des préfectures mais de l’ensemble de ce que l’on appelle l’ATE (administration territoriale de l’État) ou « État déconcentré ». L’ATE représente l’ensemble constitué par les préfectures et les directions régionales et départementales dépendant de divers ministères : Dreal (aménagement et logement), Drac (culture), Draaf (alimentation, agriculture et forêts), etc. La Cour rappelle que la RéATE a consisté « à créer des directions régionales qui respectent les périmètres ministériels et des directions départementales qui agrègent des moyens relevant de plusieurs ministères ». Mais elle constate que les réformes récentes « conduisent à renforcer la position centrale du préfet vis-à-vis des effectifs déconcentrés des autres ministères ».
Diminutions d’effectifs « massives »
Pour ce qui concerne les préfectures elles-mêmes, leurs effectifs sont passés entre 2010 et 2020 de 27 613 agents à 23 652 (- 14 %). Les rapporteurs expliquent notamment que lorsque les recrutements de policiers et de gendarmes sont « repartis à la hausse », le ministère de l’Intérieur a compensé, budgétairement parlant, en supprimant des postes d’agents en préfectures. Ces suppressions de poste ont principalement touché « les agents administratifs de catégorie C », dont les effectifs ont été réduits de plus d’un tiers (- 34 %) !
Les principales victimes de ces diminutions d’effectifs ont été les sous-préfectures, rendant ces structures (du moins celles qui n’ont pas tout simplement fermé) « très fragiles » : « Il n’est pas rare que certaines sous-préfectures » ne comptent plus « qu’entre trois et sept agents », constate la Cour.
Les relations des préfectures avec les collectivités locales sont, forcément, affectées par cette situation : les agents affectés spécifiquement à cette fonction ont diminué de 5 %. Les effectifs des services « élections » ont littéralement fondu : – 42 % d’effectifs en 10 ans. Quant à la délivrance des titres (hors titres de séjour), elle a vu ses effectifs diminuer de 30 %.
Autre conséquence néfaste de cette situation : « le recours massif aux vacataires », recrutés en catastrophe pour faire face « à des pics d’activité », notamment dans les services de délivrance de titres de séjour. À titre d’exemple, la Cour note que le bureau de l’asile de la préfecture des Hauts-de-Seine est constitué de « 47 % de vacataires » ! Ceux-ci sont recrutés pour des contrats courts (3 à 6 mois), calibrés pour expirer avant le 30 décembre « pour ne pas peser sur le schéma d’emploi ».
Pour la Cour des comptes, cette situation ne peut pas durer : « On ne saurait se satisfaire de ce que l’emploi public devienne un vecteur de précarité » (…).